Lettre ouverte à…

Article : Lettre ouverte à…
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12 avril 2016

Lettre ouverte à…

civ

Je trouve fort intéressant l’usage qui consiste à écrire des lettre ouvertes à des personnes publiques ou connues (artistes, gouvernants, leaders d’opinions, etc.) lorsque l’on veut s’adresser à elles.

J‘ai même noté  que c’était souvent le lieu de montrer son mécontentement ou de dire son approbation à une idée ou un acte de cette personne.

J’ai une lettre ouverte ; en tout cas, j’en possède les éléments, le contenu. et je l’ai écrite. Mais je n’ai su lui trouver un destinataire.

Alors, à vous, lecteur, qui passiez seulement, si vous vous jugez un destinataire indiqué, veuillez, de grâce, vous attribuer cette missive.

PS avant la fin de ma lettre : Je suis né en Côte d’Ivoire et j’y ai vécu jusqu’ ce jour.

Cher …destinataire,

Hier, c’était, dans le monde, et en Côte d’Ivoire, le 11 Avril 2016.

Un jour comme les autres pour les habitants de la terre, et pour les ivoiriens aussi.

Les ivoiriens, qui chaque jour de la semaine, se réveillent tôt le matin, embrassent femme et enfants, et les abandonnent jusqu’au soir. Ils sortent, pour se rendre au travail (pour ceux qui en possèdent encore un) ou pour courir dans tous les sens, afin qu’au soir, chaque membre de cette petite famille puisse bénéficier  d’une assiette à moitié pleine de riz ou de tout autre mets, à portée de leur bourse (bien que l’éventail de choix en soit plutôt limité).

Hier encore, ils sont sortis pour espérer que la lumière continue d’habiter leurs maisons, et d’y maintenir la vie, la connaissance, la chaleur bienfaisante d’un foyer construit dans l’amour,  pour espérer que la CIE (Compagnie Ivoirienne d’Électricité) daigne  demeurer dans  le courant de leur vie.

Ils grouillent, triment, suent à en sentir mauvais, pour se permettre le rêve de voir leurs enfants être admis dans les universités… du pays ; celles d’outre-mer n’étant pas à la portée de leurs portefeuilles.

Mais cher… destinataire inattendu,

Nos gouvernants n’ont pas quitté tôt leurs maisons hier. Ils sont restés, à traîner, au lit, remerciant le ciel, de leur avoir donné de gagner une guerre un certain 11 avril. Puis après un copieux petit déjeuner avec leurs femmes (les enfants sont à l’étranger pour leurs études), ils se sont réunis dans des salles climatisées pour célébrer le jour où ils ont fait le choix judicieux « de risquer leur vie pour la démocratie ».

Oui, en effet, un autre 11 avril, en 2011, alors qu’ils étaient protégés par l’armée et l’ONU, ils risquaient leur vie, pendant que la population, terrée chez elle, ou en fuite, n’avait pas ce privilège d’avoir à risquer sa vie.

Et depuis, les presque martyrs, héros d’il y a cinq ans, continuent d’être célébrés, et de jouir des fruits de leur courage.

Pendant ce temps, les populations, sans mérite, jasent et jalousent leur gloire et leur bonheur.

Mais, si je peux me permettre, cher… destinataire imprévu,

Leur seule gloire réside dans le fait d’avoir été choisis par cette population, à qui tout le mérite revient plutôt, de s’être donné ces chefs. Ou alors, disons-le, dont l’unique faute est de s’être choisi ces chefs, parce que ceux-ci ne vivent, depuis, plus, dans le même pays qu’eux.

Sinon comment pourraient-ils se congratuler mutuellement, et se rappeler leurs petits projets personnels de partis unifiés, alors que Koz/Comium met des milliers de personnes au chômage, que l’université est en grève, que la MUGEFCI veut augmenter le montant des cotisations, qu’on oblige les populations à payer pour la confection d’un permis alors que l’ancien est valide, etc.?

Comment réussiraient-ils à débattre de 2020 alors que les ivoiriens ne savent pas s’ils pourront s’assurer gîte et couvert à la fin du mois à venir ?

Sinon, comment n’auraient-ils pas plutôt fait le bilan de leurs cinq années de pouvoir effectif hier ?

Cher destinataire accidentel…,

Chaque fois qu’ils ouvrent la bouche, je me rends compte que nos gouvernants ne sont pas d’ici. Ils nous viennent sûrement de Mars.

Bienvenue chez nous, habitants de la planète rouge !

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Commentaires

Astoo
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Même sans avoir nommé un quelconque destinataire à ce texte, il parle de lui même...très beau texte. Cela nous rappelle ô combien nous sommes loin de cette image ''virtuelle'' que l'on donne à notre cher pays, comme si tout allait bien dans le meilleur des mondes!
Well done

Maxtan
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Merci d'apprécier et de partager notre réflexion

mandanye
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L'essentiel est dit. Merci