La chasse aux esprits-électeurs
Lorsque le jeune Ange Messi Batiyé, 4 ans, quittait ce jour là, la maison de ses parents pour l’école, il a certainement reçu comme d’habitude un petit en-cas pour calmer la fringale de la mi-matinée, un bisou de Maman et Papa, a fait la promesse de bien se tenir et d’attendre sagement sa nounou qui passerait le chercher à midi. La nounou aura peut-être eu quelque retard, l’enfant se sera laissé tenter par la curiosité, prenant ainsi la décision de se faire explorateur urbain dans cette commune de Marcory, à Abidjan.
Le jeune Messi, que ses parents, sans doute convaincus que porter le nom d’une personne vous fait porter ses qualités (et ses défauts : pure logique !) destinaient à un avenir glorieux sur les terrains de football à l’image de son non moins glorieux homonyme est introuvable. Ses parents sont affolés, en pleurs et courent les rues à sa recherche.
Toute cette histoire demeure une originale hypothèse…hormis la disparition du gosse.
Le 10 décembre dernier, une petite frimousse innocente apparaît sur les murs Facebook de nombreux ivoiriens. Voici le message qui accompagne cette photo :

Perdu et…retrouvé.
Batiyé Ange Messi, 4 ans, porté disparu depuis hier à Marcory, école Minime. Il était en kaki. Si vous avez ces informations pouvant aider à le retrouver, prière appeler *******
Par solidarité, les uns et les autres relaient l’information. Quelques heures plus tard, l’enfant est retrouvé. Vivant.
Une chance pour cette famille car ce n’est pas toujours qu’on les retrouve en vie
Depuis quelques semaines, le phénomène s’installe dans nos cités.
Avant Messi, il y en a eu. Après lui aussi.

Chaque jour, l’on apprend de nouveaux rapts d’enfants. Marcory, Yopougon, Plateau, aucune commune ne semble y échapper.
La plupart du temps, on annonce quelques jours après avoir retrouvé leur corps sans vie, mutilé, défait d’un organe ou d’un membre.
Au départ, on aura accusé les brouteurs. On dit de ces jeunes gens qui ont fait de la cyber-arnaque leur métier, qu’ils « attachent » les blancs, c’est-à-dire qu’ils les envoutent. Et les envouteurs que sont nos marabouts et féticheurs exigeraient quelquefois des sacrifices aussi improbables que criminels : rapports sexuels incestueux, organes humains, ossements, etc.
Curieusement, ces histoires apparaissent alors que les prochaines élections ne sont plus très loin. Et les ivoiriens les plus versés dans l’art du raisonnement rapide ont vite fait de lier les deux faits. On raconte que les hommes politiques à l’approche des élections font des sacrifices humains pour s’assurer les faveurs des esprits. Chose peu raisonnable vu qu’il n’existe pas d’esprit-électeur.
Du reste, quelque chose doit être fait, en dehors de la solidarité citoyenne qui pousse les uns et les autres à publier des annonces sur les réseaux sociaux, par les personnes compétentes pour mettre fin à ce trafic.
Après avoir été accusé d’exploitation des enfants dans les plantations de cacao, la Côte d’Ivoire n’est certainement pas servie par ce nouveau phénomène qui ternit à nouveau son image.
En attendant que quelque chose soit fait, eh bien, inaugurons le nouveau pont d’Abidjan.
Photos (ASK)
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