29 octobre 2015

Tout est calme, si je vous contais l’élection

tsp

Abidjan, nous sommes le 29 octobre 2015, et je suis assis devant mon ordinateur, insomniaque, en train de saisir paisiblement quelques lettres, quelques mots épars, en tentant d’en faire de belles phrases. J’ai l’intention d’en faire sortir un billet pour mon blog. Cela fait en effet un bon moment que je n’ai rien posté, mais passons.

Il y a quelques mois justement, je m’interrogeais, et bien d’autres Ivoiriens avec moi, sur ce à quoi ressembleraient ce jour, et quelques autres qui l’ont précédé. J’avais peur et de gros sachets d’attiéké dans mon réfrigérateur témoigneront aisément de mes appréhensions. Il fallait faire quelques provisions ou cas où… Mon dernier billet publié invitait même timidement les politiques à ne pas embraser nos pensées. Le spectre de la guerre hantait les esprits.

Aujourd’hui, tout est calme.

La commission électorale a reçu trente-trois candidatures dont elle n’a validé que dix. La campagne électorale a fait couler beaucoup d’encre, de salive, et de données numériques. La Côte d’Ivoire possède une société civile très active et très forte… sur les réseaux sociaux. Les médias d’État ont servi au peuple les candidats. L’on serait tenté de dire que ce n’était pas un menu pour palais délicats. Une tranche du JT du soir, des capsules de diffusion de films de propagande préenregistrés, puis l’émission « face aux électeurs » qui donnait au candidat deux heures pour convaincre l’électorat.

Au menu, il y avait ceux qui avaient très tôt renoncé à la course. Ils étaient déjà contents de se voir figurer sur le bulletin de vote.

Il y avait ceux qui avaient jugé plus original de se porter candidat, puis de faire campagne pour le boycott.

Puis ceux qu’une prophétie divine avait convaincus de leur destin présidentiel.

Il y avait aussi ceux qui n’avaient aucun regret et qui le disaient sous un air d’Édith Piaf, il y avait de nouvelles « Simone de Beauvoir, des pseudo-féministes mal inspirées, qui ne voulaient gouverner que les femmes, et il y avait ceux qui avaient piqué à François Hollande son slogan de campagne sans lui verser de droits d’auteur. Il y avait encore ceux qui rêvaient d’un Etat fédéral et d’une monnaie « flottante ». Il y en avait également qui voulaient illuminer les affaires du pays par la clarté de leur teint, et enfin ceux qui voulaient faire de l’attiéké, le nouveau « pétrole » ivoirien.

Face à tous ceux-là, il y avait un président sortant entouré d’as de la communication et d’une coalition de partis politiques. Il avait eu le temps d’annoncer au peuple ses plans pour l’avenir à travers des visites d’Etat à quelques mois de l’élection.

L’élection, c’était hier, et aujourd’hui, tout est calme.

Les Ivoiriens sont, soit sortis voter, soit restés chez eux. Nul n’est sorti marcher, protester, et s’offrir en marionnettes aux hommes politiques. Il y avait pourtant les nostalgiques de la Côte d’Ivoire libre et souveraine. Ceux qui ont fait un doigt d’honneur aux grandes puissances, se reconnaissant en ces fils du pays aujourd’hui pensionnaires de Scheveningen. Ils restent  réfractaires à une réconciliation sans leurs mentors.

Il y avait également ceux qui voyaient tout en rose depuis que leur président était aux affaires et qui continuaient d’en vouloir à son prédécesseur de l’avoir si longtemps obligé à atermoyer son accession au pouvoir.

Et pourtant, aujourd’hui, tout est calme.

Alassane Ouattara a été déclaré vainqueur dans la course à sa propre succession. Et tout est calme. Et ses adversaires l’ont félicité pour sa brillante victoire.

Et j’ai envie de dire avec beaucoup d’émotion et de joie que l’Ivoirien a grandi.

On peut combattre idéologiquement l’autre et ne pas être son ennemi : l’Ivoirien l’a compris.

On ne règle rien par la violence : l’Ivoirien l’a retenu.

L’Ivoirien est spécial.

Je pense que l’Ivoirien est désormais mature et, en pensant à ce mois d’octobre, à mon pays, à l’élection qui vient de se dérouler, j’ai aussi envie de dire avec Madame Piaf : «  Non… rien de rien… je ne regrette rien… »

 

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Commentaires

Anne Christelle
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Très bel article que j'ai lu avec beaucoup d'émotions. Bien que camerounaise, la Côte d'Ivoire est l'un des pays Africains où je me suis sentie chez moi, dès que j'y ai posé les pieds. Amoureuse de Meiway depuis mon enfance, ayant eu la chance de visiter Abidjan au temps d'Houphouet, puis il y a deux ans, j'ai pu observer de près ou de loin les évolutions.
Il n'est d'idiot que celui qui ne change pas. Il n'est de têtu que celui qui se refuse à accepter l'autre. Vous avez joliment mûri et je vous en félicite.
Vive la Côte d'Ivoire grandie.